L’intelligence artificielle au service de l’enseignement

Passionnée par la recherche, mais surtout par l’enseignement, Ange Tato utilise son expertise en intelligence artificielle pour personnaliser l’apprentissage selon le profil des étudiants.

« L’enseignement en ligne est là pour de bon. Alors le but est de détecter les problèmes de compréhension et de les résoudre en temps réel », explique Ange Tato, maître d’enseignement en informatique à l’ÉTS. Lorsqu’on enseigne en classe, on s’adresse à un groupe. Si des étudiants ne saisissent pas un aspect ou un autre du cours, il est difficile d’offrir une attention particulière à chaque personne. Madame Tato a donc développé des outils adaptatifs. Il s’agit en fait d’entraîner les réseaux de neurones — ceux des ordinateurs et non ceux des étudiants — à tirer profit des données collectées afin de proposer à l’apprenant un degré de complexité proportionnel à son niveau d’habiletés et une assistance adaptée à ses besoins. Ainsi, la machine peut « lire » l’état cognitif de l’utilisateur ou de l’utilisatrice et s’ajuster en conséquence.

Pour Ange Tato, l’avenir de l’enseignement passe par l’intelligence artificielle, mais une intelligence artificielle qui évoluera en harmonie avec l’humain, espère-t-elle.

Ange Tato, maître d’enseignement à l’ÉTS

L’informatique, une connexion naturelle

Alors, jeune étudiante au Cameroun, Ange Tato hésite entre la médecine et l’univers des logiciels. Elle se rend au Maroc pour poursuivre ses études. Son goût pour la programmation et sa facilité naturelle pour les mathématiques la poussent vers l’informatique. Finissante à l’école Mohammedia des ingénieurs à Rabat au Maroc, Ange Tato doit choisir entre la France et le Québec pour son parcours d’études supérieures. Elle compte de la famille dans les deux pays, mais l’intégration semble plus aisée au Québec.

Deux professeurs sont prêts à l’accueillir dans leur programme, notamment Roger Nkambou professeur titulaire au département d’informatique de l’UQAM. Ses champs d’intérêt englobent l’intelligence artificielle axée sur la modélisation de l’humain. « C’est ce que j’avais envie de faire », raconte madame Tato. Deux autres professeurs à l’Université de Montréal, Claude Frasson, et Aude Dufresne la guideront également dans son parcours de doctorat ainsi que dans ses études postdoctorales. « Mes codirecteurs sont les personnes qui m’ont le plus marquée puisqu’ils m’ont aidée à fleurir dans un domaine de recherche qui me passionnait. »

Détentrice d’une maîtrise et d’un doctorat en informatique de l’Université du Québec à Montréal, Ange Tato élargit son champ d’expertise en contribuant au développement de jeux sérieux 3D ou qui intègrent la réalité augmentée. Elle collabore notamment à la création d’un jeu destiné à l’amélioration des compétences en raisonnement sociomoral, un projet piloté par la professeure Miriam Beauchamp de l’Université de Montréal.

Alors, on joue!

Le portefeuille d’un marcheur tombe sur le trottoir à son insu. Le joueur-apprenant doit décider s’il récupère ou pas le portefeuille, et s’il le fait, est-ce dans le but de le remettre à la personne ou de le garder pour elle. Les algorithmes développés par l’équipe d’Ange Tato permettent de prédire les réactions du joueur-apprenant. « Dix minutes d’interactions avec le joueur suffisent pour connaître son style d’apprentissage et pour pouvoir ensuite moduler le jeu en fonction de ces caractéristiques », explique madame Tato.

Tenant compte de la sensibilité d’une personne, madame Tato modifiera certains éléments de l’interface graphique ou optera pour une musique de fond plus douce, alors que pour un autre type de joueur, elle accentuera le rythme des séquences. En modifiant les paramètres du jeu, Ange Tato propose une dimension émotionnelle qui favorise l’accueil de ce système d’apprentissage par les usagers et les usagères.

Les connaissances expertes qui restent lettre morte

Malgré les avancées récentes des machines intelligentes, leur capacité à se faire une représentation précise de l’humain, même après l’avoir observé exécuter différentes tâches, reste très limitée, selon madame Tato. Pourtant, il existe des recherches, des savoirs, des informations sur la psychologie cognitive qui pourraient être utilisés. Pourquoi modéliser chaque fois à partir de zéro? Ange Tato propose de combiner la connaissance experte avec des données récoltées pour améliorer la modélisation de l’apprenant.

Trop, c’est comme pas assez

« Ce n’est pas la quantité d’informations sur l’utilisateur qui permet de le modéliser de façon précise ». Ange Tato découvre au fil de ses recherches que pour bâtir un système en particulier, nul besoin de capter une multitude de variables sur l’apprenant. « Si on a accès à ses émotions et à sa voix, on peut construire un modèle riche en économisant l’utilisation d’autres données. »

L’ÉTS, l’aspect concret des choses

Ange Tato enseigne les technologies de l’information à l’UQAM depuis le début de ses études au doctorat en 2015. Mais elle rêvait de faire le saut dans un milieu axé sur l’ingénierie qui allierait la pratique à la recherche. L’ouverture d’un poste de maître d’enseignement dans une des plus grandes écoles de génie du Québec lui a permis de concrétiser son souhait. Les étudiants et les étudiantes de l’ÉTS peuvent dorénavant profiter de sa vaste expérience en matière de pédagogie interactive et… apprendre intelligemment.