Optimiser les implants vertébraux par modélisation
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Les opérations de fusion vertébrales sont couramment utilisées pour traiter des scolioses, des fractures, ou encore soulager des blessures à la moelle épinière. La dégénérescence des segments adjacents concerne jusqu’à 40 % des patients opérés à l’aide d’instrumentations vertébrales postérieures. Ces problèmes sont principalement causés par la grande rigidité des implants qui entraîne de fortes concentrations de contrainte aux extrémités de l’instrumentation. Ce projet propose l’utilisation de tiges aux propriétés variables pour diminuer les contraintes aux segments adjacents tout en gardant une grande stabilité là où nécessaire. Les traitements thermiques localisés, appliqués sur des tiges en alliages à mémoire de forme biocompatibles Ti-Ni permettent une forte variation locale de la rigidité. Les tests biomécaniques ont montré que les tiges aux propriétés variables associées à des crochets transverses en fin d’instrumentation permettent de soulager les segments adjacents tout en minimisant les efforts appliqués sur les ancrages.
Introduction
En raison de l’augmentation de l’espérance de vie, le nombre de problèmes liés au dos tend à croître de façon importante. Les pathologies fréquemment observées sont les scolioses, les problèmes lombaires, les blessures neurologiques, ou bien encore des douleurs subsistantes malgré un traitement approprié. Pour pallier ces problèmes, certains patients doivent subir une intervention chirurgicale (Deyo , Nachemson , and Mirza 2004). Une technique courante permettant le traitement de ces symptômes est la fusion osseuse ou arthrodèse qui consiste en l’immobilisation d’un segment de colonne afin de faire fusionner plusieurs vertèbres (Bederman et al. 2009).
Au prix d’une légère perte de mobilité, le patient peut voir son inconfort diminuer de façon importante. Afin de provoquer la fusion, le chirurgien orthopédique immobilise un segment de colonne en utilisant des tiges métalliques rigides faites de titane, de cobalt-chrome ou encore d’acier. Ces tiges sont fixées aux vertèbres au moyen de vis pédiculaires. L’efficacité de la procédure a été prouvée et le taux de réussite de la fusion est élevé (Fathy et al. 2010).
Cependant, la grande rigidité de ces implants vertébraux pose des problèmes aux vertèbres adjacentes à l’instrumentation. Ces zones sont en effet fortement contraintes, ce qui provoque la dégénérescence des disques adjacents ou encore des fractures (DeWald and Stanley 2006; Park et al. 2004).
Description du projet
Un projet de recherche dirigé par le professeur Vladimir Brailovski du Laboratoire sur les alliages à mémoire et systèmes intelligents (LAMSI), le professeur Yvan Petit du Laboratoire de recherche en imagerie et en orthopédie (LIO), tous deux du Département de génie mécanique de l’École de technologie supérieure (ÉTS) et le docteur Jean-Marc Mac Thiong, chirurgien orthopédiste de l’hôpital du Sacré-Cœur de Montréal a pour but de développer des implants vertébraux pouvant répondre aux problèmes observés. Dans le cadre des travaux réalisés en collaboration avec la compagnie montréalaise Spinologics, un nouveau concept d’implant spinal est proposé et protégé par une demande de brevet. Ce projet est mené sur deux axes complémentaires qui sont l’approche expérimentale et l’approche numérique. Il est réalisé de façon conjointe : les simulations numériques sont effectuées à l’ÉTS, tandis que les aspects expérimentaux sont couverts par le Centre de recherche de l’hôpital du Sacré-Cœur de Montréal (CR-HSCM).
Les tests biomécaniques sont faits in vitro sur des segments lombaires de colonnes vertébrales de porcs matures. Une fois le spécimen biologique disséqué et instrumenté à l’aide des vis et des tiges, ce dernier est numérisé afin d’obtenir un empilement d’images CT (Computed Tomography). Le traitement de ces images va permettre de reproduire numériquement la géométrie d’un spécimen particulier muni de son instrumentation. À partir de cette géométrie, un modèle par éléments finis est conçu en intégrant les vertèbres, les disques intervertébraux ainsi que les ligaments sans oublier les vis et les tiges. En parallèle, du côté expérimental, le spécimen est soumis à divers chargements mécaniques comme la flexion-extension ou l’inflexion latérale qui simulent des mouvements classiques de la vie quotidienne. Durant ces chargements, les déplacements de chaque vertèbre sont suivis par un système de caméras. Les pressions dans les disques intervertébraux adjacents et au sommet de l’instrumentation sont mesurées à l’aide de capteurs de pression miniatures. Enfin, chaque vis servant de lien entre les tiges et les vertèbres est équipée de jauges de déformation afin de mesurer les efforts subis par ces ancrages.
Les résultats expérimentaux sont alors comparés aux résultats des simulations numériques en ce qui a trait aux mouvements, à la pression intradiscale et à la force dans les ancrages. Une fois validé, le modèle devient un outil extrêmement puissant permettant d’expérimenter de nouveaux implants vertébraux et d’optimiser leur design afin de répondre à la problématique énoncée en début d’article. Une fois l’implant conçu de façon numérique, ce dernier peut être fabriqué et testé à nouveau expérimentalement pour vérifier ses capacités de stabilisation.
Domaines d’application
Dans le domaine médical, ces travaux contribuent à développer des implants vertébraux permettant de diminuer les concentrations de contraintes dans le disque adjacent à l’instrumentation, tout en assurant une stabilité adéquate pour la fusion. En ce qui concerne le domaine de la recherche, les outils numériques développés seront utilisés dans d’autres projets qui touchent de près ou de loin la colonne lombaire porcine ainsi que l’instrumentation vertébrale. Enfin, en combinaison avec la fabrication additive, le modèle numérique peut être utilisé pour créer des échantillons réalistes de vertèbres qui peuvent servir comme outils d’apprentissage et de planification d’intervention chirurgicale. Ce projet constitue un bon exemple de collaboration entre l’ÉTS et l’hôpital du Sacré-Cœur de Montréal. Également, il rappelle l’importance et la complémentarité des approches expérimentale et numérique.
Financement
Ce projet est financé par le fonds de recherche du Québec – Nature et technologies (FQRNT).